INTERPRÉTATION DE LA NOTION D'IMPOSSIBILITÉ D'AGIR DANS
LE CONTEXTE DE LA COVID-19
Dans notre pratique, nous sommes quelquefois confrontés à la notion d’impossibilité d’agir. Récemment, la Cour d’appel a rendu une décision importante en cette matière en lien avec la pandémie Covid-19 qui sévit actuellement et qu’il vaut la peine de souligner.
Dans l’affaire Ewert c. Laland[1], l’appelant se pourvoyait en appel d’un jugement rendu le 28 novembre 2019 par la Cour supérieure, Chambre criminelle et pénale, qui rejetait sa demande d’habeas corpus assortie d’un certiorari auxiliaire, par laquelle il contestait son transfert d’une unité à sécurité minimale vers un secteur minimum d’une unité à niveaux de sécurité multiples. Essentiellement, l’appelant prétendait que ce transfert le privait de sa liberté résiduelle et qu’il était déraisonnable dans les circonstances où il lui avait été imposé. Cela dit, avant de se pencher sur le fond, la Cour d’appel devait au préalable décider du sort de la demande en prorogation du délai d’appel présentée par l’appelant qui avait produit son avis d’appel le 27 décembre 2019 conformément à l’article 784 (1) du Code criminel[2] qui prévoit un délai de 30 jours pour ce faire.
Cependant, le 24 avril 2020, la Cour d’appel dans la décision Snooks c. Procureur général du Canad[3], précisait qu’une demande d’habeas corpus découlant d’un transfert non sollicité est assujettie au délai d’appel de 10 jours de l’article 361 du Code de procédure civile (C.p.c.) et non au délai de 30 jours du Code criminel. L’article 361 du C.p.c. mentionne :
361. Le délai d’appel est de 10 jours si l’appel porte sur un jugement qui met fin à une injonction interlocutoire ou refuse la libération d’une personne; ce même délai s’applique pour porter en appel le jugement qui confirme ou annule une saisie avant jugement.
Ce délai est toutefois de cinq jours lorsqu’il s’agit de s’opposer à la libération d’une personne ou de faire appel du jugement qui accueille une demande d’autorisation touchant l’intégrité d’une personne, ordonne la garde en vue de soumettre une personne à une évaluation psychiatrique ou à la suite d’une telle évaluation.[4]
En raison de ce qui précède, le 28 juin 2020, l’appelant a déposé une demande en prorogation du délai d’appel en vertu de l’article 363 du C.p.c. Cet article se lit comme suit :
363. Les délais d’appel sont de rigueur et emportent déchéance du droit d’appel.
Néanmoins, la Cour d’appel peut autoriser l’appel s’il ne s’est pas écoulé plus de six mois depuis le jugement et si elle estime que la partie a des chances raisonnables de succès et qu’elle a, en outre, été en fait dans l’impossibilité d’agir plus tôt. Elle peut, même après l’écoulement du délai fixé, autoriser un appel incident si elle l’estime approprié. (Nos soulignements).
Un juge d’appel peut aussi, sur demande, suspendre les délais d’appel dans le cas où le jugement porté en appel a réservé au demandeur le droit de réclamer des dommages-intérêts additionnels en réparation d’un préjudice corporel. Il le fait si des motifs impérieux commandent de réunir l’appel de ce jugement et celui portant sur la demande de dommages-intérêts additionnels; il détermine alors le temps et les conditions de la suspension.[5]